Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
FORME PASSIVE DU TEMPS

Quand nous nous analysons nous-mêmes, nous retrouvons sous chaque image actuelle, sous chaque objet ou série d’objets qui s’offre à nous, sous chacune de nos pensées et chacun de nos sentiments présents, un sentiment, une pensée, une image analogue que nous reconnaissons pour nôtres. Une longue expérience a fait peu à peu entrer en nous une partie du monde extérieur, et il suffit de creuser en nous-mêmes par la réflexion pour l’y retrouver sous la surface mobile des sensations et des idées présentes. Aussi rien d’absolument nouveau pour nous ; et c’est là le secret de notre intelligence, car nous ne comprendrions pas ce qui n’aurait aucun analogue dans notre passé, ce qui n’éveillerait rien en nous. Platon avait raison de soutenir que connaître, c’était à moitié se souvenir, qu’il y a toujours en nous quelque chose qui correspond au savoir qu’on nous apporte du dehors.

Ce qui fait que l’animal ne peut connaître, c’est précisément qu’il ne se souvient pas à proprement parler. Dans son monde intérieur existe, nous l’avons vu, une confusion qui rend non moins confus pour lui le monde extérieur. En effet, connaître, c’est comparer un souvenir à une sensation. Pour que la connaissance soit nette, il faut que le souvenir soit distinct,