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PÉRIODE DE CONFUSION PRIMITIVE

qui brouillait tous les temps, n’avait aucune représentation définie répondant aux termes « cette semaine » ou « la semaine dernière », et pour qui même hier était un passé absolument indéterminé, indiscernable de toute autre époque. James Sully, qui fait cette observation, s’imagine pourtant encore, avec presque toute l’école associationniste et évolutionniste de l’Angleterre, que nous acquérons l’idée d’espace par le moyen de l’idée du temps. Nous croyons, pour notre part, avec plusieurs psychologues allemands, tels que Hering et Stumpf, avec MM. William James et Ward, avec M. Alfred Fouillée, que c’est là une illusion de l’analyse psychologique, qui confond ses procédés de décomposition d’idées avec les procédés spontanés et synthétiques de l’enfant ou de l’animal[1].

Spencer suppose que les aveugles-nés n’ont conscience de l’espace « que sous la forme de termes successivement présentés qui accompagnent le mouvement. » À part « quelques menues perceptions de coexistences », dues à des impressions simultanées, c’est « dans le nom-

  1. Sur ce point, M. Morselli, dans ses études psychologiques sur la perception du temps et de l’espace (Rivista di Filosofia scientifica, 1886) nous donne raison, et se range aux conclusions de notre étude sur le temps, publiée d’abord dans la Revue philosophique.