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PÉRIODE DE CONFUSION PRIMITIVE

écoulés ? Il ne le semble pas. On dit souvent qu’un enfant, qu’un homme a de la mémoire lorsqu’un ensemble d’images est très vivant chez lui. Sous ce rapport, un animal peut avoir une mémoire aussi bonne et parfois même meilleure que l’homme. C’est une affaire de mécanique : tout dépend de la force de l’impression reçue, comparée avec la force des autres impressions qui l’ont suivie. Mais, au point de vue psychologique, le trait distinctif de la mémoire humaine, c’est le sentiment exact de la durée, c’est l’ordre des souvenirs, c’est la précision donnée par cela même à chacun d’eux ; toutes choses que nous devons en grande partie au soleil, aux astres, à l’aiguille qui tourne sur le cadran de nos horloges, au retour rythmé des mêmes fonctions physiologiques dans l’horloge de notre organisme. L’animal et l’enfant, faute de moyens de mesure, vivent « au jour le jour ». Un éléphant se jette sur un homme qui l’a frappé il y a plusieurs années ; s’ensuit-il que l’éléphant ait pour cela l’idée claire de la durée et une mémoire organisée comme la nôtre ? Non, il y a surtout association mécanique d’images actuelles. À l’image de cet homme s’est jointe l’image encore vivace et présente de coups reçus, et les deux images