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xv
THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

mène précèdent ce phénomène ; que, si nous n’avions pas un cerveau capable de sentir, nous ne sentirions pas ; que, si nos sensations n’étaient pas successives, nous ne les sentirions pas successivement ; que, s’il ne restait rien de la première sensation lors de la seconde, nous n’aurions pas de mémoire ; que, si nous n’avions pas de mémoire, nous ne concevrions pas la succession des représentations ; mais les propriétés de nos représentations ne sont ni des propriétés a priori, ni des lois a priori, ni des intuitions a priori, ni des formes a priori, pas plus que la forme de la vague n’est a priori par rapport à la vague. Ne prenons pas le mode ou le résultat constant de notre expérience pour une condition antérieure et supérieure à l’expérience.

Kant continue : — « Le temps est une représentation nécessaire qui sert de fondement à toutes les intuitions. » Nous nions encore, avec Guyau, cette proposition. Une sensation, nous l’avons vu, peut être éprouvée sans représentation du temps. L’animal qui sent les dents d’un autre s’enfoncer dans sa chair n’a aucun besoin de se représenter le temps pour sentir. Le temps n’est une « représentation nécessaire » que pour les représentations complexes