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LES ILLUSIONS DU TEMPS

deux fois. Pour le malade, qui juge d’après les données de sa conscience, il est vrai que l’impression a été reçue deux fois, et, dans ces limites, son affirmation est incontestable.

En d’autres termes, selon M. Ribot, le mécanisme de la mémoire « fonctionne à rebours » : on prend l’image vive du souvenir pour la sensation réelle, et la sensation réelle, déjà affaiblie, pour un souvenir. Nous croyons plutôt, avec M. Fouillée[1], qu’il y a là « un phénomène maladif d’écho et de répétition intérieure», analogue à celui qui a lieu dans le souvenir véritable : « Toutes les sensations nouvelles se trouvent avoir un retentissement et sont ainsi associées à des images consécutives qui les répètent ; par une sorte de mirage, ces représentations consécutives sont projetées dans le passé. C’est une diplopie dans le temps. Quand on voit double dans l’espace, c’est que les deux images ne se superposent pas ; de même, quand on voit double dans le temps, c’est qu’il y a dans les centres cérébraux un manque de synergie et de simultanéité, grâce auquel les ondulations similaires ne se fondent pas entièrement ; il en résulte dans la conscience, une image double ; l’une

  1. Études sur la mémoire publiées par la Revue des deux mondes.