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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

Selon Estel, nos représentations de temps, comme les autres sensations et représentations, sont influencées par les impressions passées appartenant au domaine d’un même sens. Un temps qui a été court, par exemple, dans le domaine de l’ouïe, fait paraître le suivant plus court[1].

L’influence de l’attente sur la durée apparente est bien connue. Si l’attente paraît longue, c’est qu’elle est une série de déceptions, de pas encore. Notre désir, en se joignant à la représentation de l’objet attendu, — l’arrivée de celle qu’on aime, par exemple, — tend à nous figurer le futur comme présent, et comme nous voudrions qu’il se réalisât tout de suite, nous sautons à pieds joints sur les intermédiaires, nous nous figurons la distance franchie ; conséquemment, nous la voulons et nous la concevons plus courte qu’elle ne peut l’être ou ne doit l’être. De là les interminables quand ? Par comparaison avec le temps idéal et idéalement précipité, le temps réel nous paraît se traîner d’une façon désespérante.

Quand l’attente a pris fin, les uns disent (avec Wundt) que le temps qui leur avait paru si long se raccourcit tout d’un coup par

  1. Philosophische Studien, II, fascicule 1.