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LES ILLUSIONS DU TEMPS

ce procès bien connu m’étonna beaucoup et produisit le même effet sur beaucoup de mes amis ; nous fûmes tous d’avis que l’événement ne nous paraissait pas éloigné de plus d’un tiers de sa distance réelle. Plus d’un journal parla alors de cette brièveté apparente du temps écoulé, et ceci montre clairement qu’il y avait à l’œuvre une certaine cause qui produisait une illusion générale. » La distance apparente d’un événement qui n’est pas nettement localisé dans le passé varie en raison inverse de la vivacité de l’image mnémonique ; toute concentration consciente de l’esprit sur un souvenir tendra donc à le rapprocher. C’est, dit James Sully, comme lorsqu’on regarde un objet éloigné à travers une lorgnette : la brume disparaît, des détails nouveaux surgissent, jusqu’à ce que nous en venions presque à nous figurer que l’objet est à notre portée.

Dans les cas où l’esprit, sous l’influence d’une disposition maladive à nourrir une passion, s’habitue à revenir sans cesse sur quelque circonstance pénible, cette illusion momentanée peut devenir périodique et conduire à une confusion partielle des expériences lointaines et des expériences toutes voisines. Une offense dont on a longtemps entretenu le sou-