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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

partant du présent, parcourt une série de termes plus ou moins longue ».

Pratiquement, tous les psychologues l’ont remarqué, nous avons recours à des procédés plus simples et plus expéditifs. Nous faisons bien rarement cette course régressive à travers tous les intermédiaires, rarement à travers la plupart. Notre simplification consiste d’abord dans l’emploi de points de repère. M. Ribot en donne un exemple : « Le 30 novembre j’attends un livre dont j’ai grand besoin. Il doit venir de loin, et l’expédition demande au moins vingt jours. L’ai-je demandé en temps utile ? Après quelques hésitations, je me souviens que ma demande a été faite la veille d’un petit voyage dont je peux fixer la date d’une manière précise au dimanche 9 novembre. Dès lors, le souvenir est complet.» L’état de conscience principal — la demande du livre — est d’abord rejeté dans le passé d’une manière indéterminée. Il éveille des états secondaires : comparé à eux, il se place tantôt avant, tantôt après. « L’image voyage, comme dit M. Taine, avec divers glissements en avant, en arrière, sur la ligne du passé ; chacune des phrases prononcées mentalement a été un coup de bascule. » A la suite d’oscillations plus ou moins longues, l’image