Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

est vrai que la perception et la conception d’un même objet se gênent en ce qu’elles ont de différent, et tendent à se confondre ou même se confondent en ce qu’elles ont d’identique ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a superposition d’une image à une perception et qu’on a conscience de la coïncidence, de l’adaptation.

M. Delbœuf cite encore l’exemple de celui qui chante mentalement un air connu. Le bruit y met une certaine entrave ; mais un air différent, qui se fait entendre dans le voisinage, le contrarie bien davantage, et cela à mesure que, parle mouvement et le rythme, il se rapproche de celui qu’on a choisi. Enfin, « s’ily a identité entre les deux chants, les tentatives que l’on fait pour entendre les notes intérieures sont complètement vaines ». — Oui, les tentatives pour séparer et distinguer la représentation de la perception au moment même où elles se superposent ; mais la difficulté de se représenter la sensation d’un objet présentement senti n’est pas une impossibilité.

M. Delbœuf, par les considérations précédentes, est amené à rejeter la loi dite de ressemblance, en vertu de laquelle le semblable rappellerait le souvenir du semblable. Il ne nie pas qu’un portrait rappelle l’ori-