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l’irréligion de l’avenir.

I. Examinons d’abord le sort probable du dogme d’un dieu créateur, qui se trouve actuellement au sommet des grandes religions juive, chrétienne et islamite. La méthode de la science suit la « loi d’économie ; » la nature économise les forces, la science économise de plus en plus les idées. La première économie à faire ne sera-t-elle point précisément celle de l’idée de création ? — L’auteur du monde peut d’abord être conçu comme moteur universel. Mais les idées de cause motrice ou de premier moteur renferment au fond des contradictions, dont se dégage de plus en plus la philosophie moderne ; car ces idées supposent comme état primitif le repos. Or le repos n’est pas plus primitif et absolu que le néant. Rien n’est en repos, rien n’a jamais été on repos. L’atome d’air qui semble le plus immobile parcourt dans ses vibrations, selon Clausius, 447 mètres par seconde, en un espace de 95 millionièmes de millimètre, et reçoit pendant ce temps 4 milliards 700 millions de chocs. L’atome vibrant d’hydrogène parcourt en une seconde 1844 mètres. Le repos est donc une illusion humaine sur laquelle s’appuie cette autre illusion d’un premier moteur divin. Éternellement le mouvement a agité les molécules de la substance primitive, plus tard groupées en sphères, et ces sphères se sont mises d’elles-mêmes à tourner dans l’éther, sans avoir jamais eu besoin d’être poussées, selon le symbole égyptien, par le scarabée sacré roulant sa boule féconde, image de l’univers. Là où, comme le remarque Strauss, le grand Newton avait besoin d’invoquer la « chiquenaude divine, » là où Buffon avait recours à l’hypothèse d’une comète venant accrocher la sphère primitive, pour en détacher ces fragments qui sont la terre et les planètes, nous n’avons plus à invoquer que la fixité des lois naturelles. Depuis Descartes, Kant et Laplace, nous possédons des explications approximatives de la formation des astres, tour à tour produits par le tourbillonnement de la matière, puis dissous par lui, naissant pour être, comme disait Kant, « dévorés par l’abîme de l’éternité. » Une même cause, la résistance de l’éther, explique à la fois l’agglomération en noyaux de la matière nébuleuse, puis le ralentissement de la sphère ainsi formée, sa chute sur un centre voisin d’attraction, son embrasement, et enfin, de nouveau, sa résurrection sous d’autres formes.

D’autre part, depuis les progrès de la physiologie et de