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introduction.

est perpétuel. Si nous avions des moyens de projection assez puissants pour rivaliser avec ceux de la nature, nous pourrions faire à la terre un satellite éternel avec un boulet de canon, sans avoir besoin de lui imprimer le mouvement une seconde fois. Un résultat donné dans la nature l’est une fois pour toutes. Un progrès obtenu, s’il est réel et non illusoire, et si de plus il est pleinement conscient de lui-même, rend impossible le retour en arrière.

Au dix-huitième siècle, l’attaque contre les religions fut surtout dirigée par des philosophes partisans de principes a priori et persuadés que, dès qu’une croyance a été démontrée absurde, on en a fini avec elle. De nos jours, l’attaque est surtout menée par ces historiens qui ont un respect absolu pour le fait et sont portés à l’ériger en loi, qui passent leur existence d’érudits au milieu de l’absurdité sous toutes ses formes, et pour qui l’irrationnel, au lieu d’être une condamnation des croyances, devient parfois une condition de durée. De là les deux points de vue si différents où l’on s’est placé au dix-huitième siècle et au dix-neuvième pour apprécier les religions. Le dix-huitième siècle les hait et veut les détruire, le second les étudie et finit par ne plus se résoudre à voir disparaître un si bel objet d’étude. L’historien a pour devise : « Ce qui a été, sera » ; il est naturellement porté à calquer sur le passé sa conception de l’avenir. Témoin de l’impuissance des révolutions, il ne comprend pas toujours qu’il peut y avoir de complètes évolutions transformant les choses jusqu’en leur