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dissolution des religions.

fants et assez réglé pour trouver le moyen d’en établir plusieurs. « 

On ne peut guère compter non plus sur l’action du prêtre et du confesseur. Est-ce que le prêtre arrive, dans les pays mêmes où la dévotion est le plus répandue (comme la Bretagne), à empêcher les vices les plus grossiers, par exemple l’ivrognerie, et cela même chez les femmes ? Quelle action exercer sur des hommes qui se confessent d’ordinaire une fois par an, au moment de Pâques ? Comment le prêtre, dans ces conditions, pourrait-il être vraiment un directeur de conscience et surtout un redresseur de conscience ? Il reçoit une confession générale de chacun de ses paroissiens ; il est pressé, il est obligé de s’en tenir aux fautes les plus énormes, et tout aboutit à une absolution suivie d’une communion. Quelques jours après, l’homme recommence à s’enivrer et continue toutes ses autres fautes, jusqu’à l’année suivante. Les préjugés et les mœurs sont plus forts que tout le reste.

Ceux qui, avec l’abbé Nonotte, voient dans la religion le remède à tous les maux, oublient d’ailleurs que la religion même est très malléable, qu’on peut y faire entrer bien des choses. Si la masse du peuple français se laissait persuader par les abbés Nonotte et leurs disciples de revenir à la religion traditionnelle, on verrait bientôt cette religion se faire moins austère. Les confesseurs deviendraient plus discrets. Ne sont-ils pas souvent obligés de tolérer aujourd’hui les polkas ou les valses dansées sous l’étreinte des jeunes gens, et qu’ils prohibaient si sévèrement autrefois ? Si la lettre des religions reste la même, l’esprit des hommes change. Dès maintenant les jésuites ferment volontiers les yeux sur l’infécondité des ménages ; on les a même accusés de donner parfois à l’oreille des conseils utiles pour la conservation de certains patrimoines placés entre de bonnes mains. Croit-on que les confesseurs du faubourg Saint-Germain posent à leurs pénitentes de trop embarrassantes questions ? Il est avec le ciel des accommodements.

Cette tolérance ira s’accentuant, s’élargissant, comme toute tolérance. Même chez les familles protestantes, où l’on trouve en général plus de rigidité, l’esprit du siècle pénètre. Partout où l’orthodoxie se fait moins farouche, la fécondité diminue. Les pasteurs mêmes ne donnent plus autant qu’autrefois l’exemple du grand nombre des enfants. Une statistique à cet égard serait fort instructive :