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dissolution des religions.

s’accroissant avec rapidité et dont la civilisation ne peut que protéger l’accroissement, quatre ou cinq grandes nations de l’Europe, avec les États-Unis et l’Australie, semblent peu de chose. L’avenir de l’humanité dépend mathémaliquemont de la proportion selon laquelle les races les plus intelligentes seront représentées dans ce mélange complexe qui constituera l’homme à venir. Aussi celui d’entre nous qui estle fils d’une des races du globe les mieux douées, comme la race française, allemande ou anglaise, commet-il une véritable faute en ne travaillant pas à la multiplication de cette race : il contribue à abaisser le niveau futur de l’intelligence humaine. Déjà les savants ont établi cette loi que la puissance génératrice décroît en raison de la dépense cérébrale, et que les races intelligentes se reproduisent plus difficilement ; augmenter cette difficulté naturelle par la restriction volontaire, c’est travailler de gaieté de cœur à l’abrutissement de la race humaine.

Les partisans de Malthus, supposant dès maintenant l’équilibre entre les vivres et la population, redoutent l’arrivée au monde des nouveaux venus ; mais, en admettant que la lutte pour la vie fût déjà à cet état aigu, il faudrait souhaiter que, dans cette lutte, les plus intelligents fussent seuls à se reproduire et à se faire une place au soleil : la loi de Malthus devrait donc s’appliquer non aux hommes instruits de notre race, qui la connaissent seuls, mais aux nègres ou aux Chinois, qui l’ignorent absolument. Cette loi n’est pas faite pour nous ; en réalité, elle n’est faite pour personne : par cela même qu’on la connaît et qu’on a assez de prévoyance et de retenue pour pouvoir la mettre en pratique. Les Malthusiens, qui cherchent à appliquer à la reproduction humaine les principes des éleveurs dans la reproduction des animaux, oublient que le principe dominant, dans tout élevage, c’est de favoriser la multiplication des races supérieures : mieux vaut un taureau de Durham que dix taureaux vulgaires. Eh bien, ce qui est vrai des bœufs et des moutons est encore plus vrai des hommes : un Français, avec les aptitudes scientifiques et esthétiques de sa race, représente en moyenne un capital social cent fois supérieur à un nègre, à un Arabe, à un Turc, à un Cosaque, à un Chinois. Nous supprimer nous-mêmes dans l’humanité future au profit des Cosaques ou des Turcs, c’est une absurdité au point de vue même de Malthus. Qu’on s’en souvienne, c’est dans le