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dissolution des religions.

fonctions afférentes au sexe entraîne des différences graves de caractère, faut-il voir là une incapacité religieuse ou civile sans remède ? Non, l’esprit conservateur pont s’appliquer à la vérité comme à l’erreur : tout dépend de ce qu’on lui donne à conserver. Si on instruit la femme dans des idées plus philosophiques et plus scientifiques, sa force de conservation servira en bien et non en mal.

Un dernier trait de l’esprit féminin, très voisin du précédent, c’est que la femme, par sa nature d’esprit plus minutieuse et plus craintive, plus propre à saisir les détails particuliers que les ensembles et les idées générales, est toujours plus portée vers l’interprétation étroite et littérale : si elle entre dans une administration, par exemple, elle y appliquera le moindre règlement à la lettre, avec une conscience exagérée et pleine d’angoisses naïves. On en conclut qu’un tel tempérament a toujours été et sera toujours propre au maintien des religions littérales ou des pratiques superstitieuses. — Selon nous, cet esprit de minutie et de scrupule si fréquent chez la femme, pourra devenir tout au contraire un facteur important d’incrédulité lorsque la femme sera assez instruite pour prendre sur le fait les innombrables contradictions et ambiguïtés des textes. Le scrupule éclairé est plutôt encore un instrument de doute que de foi.

Nous ne voyons donc pas jusqu’à présent que les différences d’esprit, natives ou acquises, suffisent pour faire des femmes une sorte de caste vouée à la religion et aux mythes, tandis que les hommes pourraient s’en passer.

Examinons maintenant les raisons plus profondes tirées de la nature des sentiments chez la femme. — En général, dit-on d’abord, c’est le sentiment et non la raison qui domine chez la femme. Elle répond plus volontiers aux appels faits au nom des sentiments de pitié ou de charité, qu’à ceux faits au nom des idées d’équité. — Mais est-ce que le sentiment est l’apanage des religions ? Parmi les hommes eux-mêmes, n’y a-t-il pas des hommics de sentiment et des hommes de pensée ? Faut-il pour cela condamner les premiers à l’erreur tandis que les autres vivront de vérité ?

On insiste et on dit que le sentiment, chez la femme, tend naturellement au mysticisme. Chez les Grecs, dit Spencer, les femmes étaient plus accessibles que les hom-