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dissolution des religions.

La vraie place de l’histoire des religions est dans l’enseignement supérieur. Ce n’est pas assez de l’avoir introduite avec succès au Collège de France et de lui avoir fait récemment une petite part à l’École des hautes études. En remplaçant les facultés de théologie par des chaires de critique religieuse, nous ne ferions qu’imiter la Hollande[1]. On sait avec quel éclat M. Max Müller introduisit la science des religions à l’université d’Oxford. De même pour la Suisse. Lors de l’organisation de l’université de Genève, en 1873, il y a été créé, dans la Faculté des lettres, une chaire d’histoire des religions, bien que la même université comprenne une Faculté de théologie. En Allemagne enfin l’histoire indépendante des religions s’enseigne, notamment à l’université de Wurzbourg, sous le nom de Symbolique comparée. De même qu’un enseignement complet de la philosophie comprend les principes de la philosophie du droit et de la philosophie de l’histoire, il devra comprendre un jour aussi les principes de la philosophie des religions. Après tout, Bouddha et Jésus ont, même au pur point de vue philosophique, une importance beaucoup plus grande qu’Anaximandre ou Thalès[2].

  1. On sait qu’il y a quelques années, en effet, le 1er octobre 1877, la Faculté de théologie des trois Universités de l’État, Leyde, Utrecht et Groningue, et de l’Université communale d’Amsterdam, était déclarée Faculté laïque, débarrassée de tous les liens avec les Eglises, réduite à l’enseignement purement scientifique de la philosophie et de l’histoire religieuses, à l’exclusion des disciplines pratiques. (Voyez M. Steyn Parvé, Organisation de l’instruction primaire, secondaire et supérieure dans le royaume des Pays-Bas, Leyde, 1878, et M. Maurice Vernes, Mélanges de critique religieuse, page 305.)

    Voici le programme de cette Faculté : 1o l’encyclopédie de la théologie ; 2o l’histoire des doctrines concernant la divinité ; 3o l’histoire des religions en général ; 4o l’histoire de la religion Israélite ; 5o l’histoire du christianisme ; 6o la littérature des Israélites et la littérature chrétienne ancienne ; 7o l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament ; 8o l’histoire des dogmes de la religion chrétienne ; 9o la philosophie de la religion ; 10o la morale.

  2. Comme le remarque M. Vernes, le personnel enseignant de l’histoire des religions pourra se former de la même manière et dans le même milieu que le personnel de la philosophie, de l’histoire et des lettres. Il faudrait lui donner à l’École normale, à la section philosophique de l’École des hautes études et aussi dans les diverses Facultés un cours préparatoire, un véritable cours normal. Dans ce cours, le professeur indiquerait les principes généraux de l’histoire des religions et se bornerait à des indications très sommaires sur les religions classiques (Grèce et Italie), dont l’éducation littéraire générale met l’étude à la portée des élèves ; il traiterait sans trop de détail des autres religions indo-européennes (Inde,