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introduction.

moderne est la véritable alchimie, — une alchimie reprise de plus haut, avant les déviations qui ont causé son avortement, — comme on peut faire, avec l’un de nos grands chimistes contemporains, l’éloge convaincu des alchimistes anciens et de leurs merveilleuses intuitions, de même on peut affirmer que la vraie « religion », si on préfère garder ce mot, consiste à ne plus avoir de religion étroite et superstitieuse. L’absence de religion positive et dogmatique est d’ailleurs la forme même vers laquelle tendent toutes les religions particulières. En effet, elles se dépouillent peu à peu (sauf le catholicisme et le mahométisme turc) de leur caractère sacré, de leurs affirmations antiscientifiques ; elles renoncent enfin à l’oppression qu’elles exerçaient par la tradition sur la conscience individuelle. Les développements de la religion et ceux de la civilisation ont toujours été solidaires ; or, les développements de la religion se sont toujours faits dans le sens d’une plus grande indépendance d’esprit, d’un dogmatisme moins littéral et moins étroit, d’une plus libre spéculation. L’irréligion, telle que nous l’entendons, peut être considérée comme un degré supérieur de la religion et de la civilisation même.

L’absence de religion, ainsi comprise, ne fait qu’un avec une métaphysique raisonnée, mais hypothétique, traitant de l’origine et de la destinée. On pourrait encore la désigner sous le nom d’indépendance ou d’anomie religieuse, d’individualisme religieux[1]. Elle

  1. Voir 3e partie, ch. II.