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la religion et la moralité populaire.

gion n’est pas plus que l’irréligion responsable de tous ces crimes ; car ni l’une ni l’autre ne peuvent, en ce qu’elles ont d’élevé, pénétrer dans la tête d’un criminel. Quoique le sens moral soit primitivement distinct du sentiment religieux, ils agissent et réagissent sans cesse l’un sur l’autre. On pourrait établir cette loi, que tout être chez lequel le sens moral est assez profondément oblitéré devient incapable d’éprouver en sa pureté le vrai sentiment religieux, tandis qu’au contraire il est plus apte qu’un autre à s’attacher aux formes supertitieuses clés croyances et du culte. Le sentiment religieux le plus haut a toujours pour principe un sens moral affiné, quoique d’ailleurs, lorsqu’il s’exagère lui-même jusqu’au fanatisme, il puisse, en réagissant sur le sens moral, l’altérer à son tour. Chez celui qui manque de sens moral, la religion ne produit que des effets mauvais, fanatisme, formalisme et hypocrisie, parce qu’elle se trouve nécessairement incomprise et dénaturée.

Ce sont souvent les pays les plus catholiques qui fournissent le plus de criminels parce qu’ils sont les plus ignorants. En Italie, par exemple, les morts violentes, qui ont atteint parfois le chiffre de 16 pour 100 dans l’ancien État romain et dans l’Italie méridionale, sont de 3 et de 2 pour 100 seulement dans la Ligurie et le Piémont. La population de Paris n’est pas, prise en masse, plus immorale que celle de tous les autres grands centres de l’Europe, cependant elle est sans doute la moins religieuse ; quelle diffé-

    et dans les grottes des images sacrées devant lesquelles elle allumait des cierges. Verzeni, qui étrangla trois femmes, fréquentait assidûment l’église et le confessionnal ; il sortait d’une famille non seulement religieuse, mais bigote. Les compagnons de La Gala, transportés à la prison de Pise, refusèrent obstinément de manger les vendredis de carême, et comme le directeur les y engageait, ils répondirent : — Est-ce que par hasard vous nous avez pris pour des excommuniés ? Masini, avec les siens, rencontre trois habitants du pays, parmi lesquels un prêtre ; à l’un, il scie lentement la gorge avec un couteau mal effilé ; puis, la main encore sanglante, il force le prêtre à lui donner l’hostie consacrée. Giovani Mio et Fontana, avant de tuer leur ennemi, vont se confesser. Un jeune parricide napolitain, couvert d’amulettes, confie à M. Lombroso que, pour accomplir l’horrible forfait, il alla invoquer l’aide de la madone de la Chaîne. « Et qu’elle m’est venue en aide, je le conclus de ceci qu’au premier coup de bâton mon père tomba mort. Et pourtant je suis très faible. « Un autre meurtrier, une femme, avant de tuer son mari, se jette à genoux pour prier la bienheureuse vierge Marie de lui donner la force d’accomplir son crime. Un autre enfin, acceptant le plan d’un assassinat, dit à son compagnon : « Je viendrai et je ferai ce que Dieu t’inspire. »