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CHAPITRE III
LA MORALE RELIGIEUSE




I. — Des lois qui règlent la société des dieux et des hommes. — La moralité et l’immoralité dans les religions primitives. — Extension des relations d’amitié et d’inimitié à la société avec les dieux. — Impossibilité pour la conscience primitive, comme pour l’art primitif, de distinguer le grand du monstrueux.
II. — De la sanction dans la société des dieux et des hommes. — Le patronage des dieux. — Comment toute intervention divine tend à se régler sur les lois mêmes de la société humaine et à en devenir une sanction.
III. — Le culte et le rite. — Principe de l’échange des services et de la proportionnalité. — Le sacrifice. — Principe de la coercition et de l’incantation. — Principe de l’habitude et son rapport avec le rite. — La sorcellerie. — Le sacerdoce. — Le prophétisme. — Le culte extérieur. — La dramatisation et l’esthétique religieuse.
IV. — Le culte intérieur. — Adoration et amour. — Leur origine psychologique.


I. — LOIS QUI RÈGLENT LA SOCIÉTÉ DES DIEUX
ET DES HOMMES

Nous sommes aujourd’hui portés à voir surtout dans la religion la morale, depuis que Kant a fait de l’éthique le but et l’unique fondement de toute véritable idée de Dieu. Il n’en était point ainsi à l’origine. D’après ce que nous avons vu dans les chapitres précédents, la religion a été d’abord une explication physique des événements, surtout des événements heureux ou terribles pour l’homme, au moyen de causes agissant pour une fin, comme la volonté humaine : c’était donc à la fois une explication par les causes efficientes proprement dites et par les causes finales : la théologie a été un développement de la téléologie primitive. L’homme s’est placé, par l’imagination, en société avec des êtres bienfaisants ou malfaisants, d’abord visibles et tangibles, puis de plus en plus invisibles et séparés des objets qu’ils hantent : voilà, avons-nous dit, le début de la religion. Celle-ci n’a été d’abord que l’agrandissement de la société, l’explication des choses par des volontés analogues aux volontés avec lesquelles l’homme vit, mais d’un autre ordre et d’un autre degré de puissance.