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la genèse des religions.


</noincludesant : Jupiter, Destin, etc. ; d’autre part, le monothéisme a toujours laissé subsister des divinités secondaires, anges, démons, esprits de toute sorte ; sans compter les conceptions trinitaires de l’unité divine. La question de chiffres, ici, recouvre des problèmes plus profonds et plus vraiment métaphysiques ou moraux.

Au point de vue métaphysique, la grande question est celle du rapport qui existe entre la divinité et le monde ou l’homme ; rapport d’immanence ou de transcendance, de dualité ou d’unité. Nous avons vu que, à ce point de vue, les religions ont passé d’une immanence primitive, extrêmement vague, à un rapport de transcendance et de séparation, pour revenir ensuite, tantôt de bonne heure (comme dans l’Inde), tantôt très tard (comme dans les nations chrétiennes) à l’idée d’un dieu immanent où nous avons l’être, le mouvement et la vie.

À cette différence de conceptions se rattache nécessairement la part différente faite, dans les diverses religions, au déterminisme des lois naturelles et à l’arbitraire de la volonté divine ou des volontés divines. Il s’agit là de ce qui sera plus tard le conflit de la religion et de la science. À l’origine, la science n’existant pas, il n’y a point de conflit : on place partout des volontés arbitraires. Puis, peu à peu, on remarque la régularité de certains phénomènes, leur déterminisme, leur ordre. Les divinités, au lieu d’être des princes absolus, deviennent des gouvernements plus ou moins constitutionnels. De là cette loi de l’évolution religieuse, bien plus importante que la loi de Comte : l’humanité progressivement a restreint le nombre des phénomènes où intervenait la puissance surnaturelle des dieux ; en revanche, elle a accru progressivement la part des lois naturelles. Le catholique, aujourd’hui, ne croit plus qu’une déesse fasse mûrir ses moissons ou qu’un dieu particulier lance la foudre, quoiqu’il soit encore très porté à croire que Dieu bénit ses moissons ou le punit en foudroyant sa demeure : l’arbitraire tend donc à se concentrer dans une volonté unique, placée au-dessus de la nature. À un degré supérieur de l’évolution, cette volonté est conçue comme s’exprimant par les lois mêmes de la nature, sans exception miraculeuse à ces lois ; la providence, la divinité devient immanente à l’ordre scientifique et au déterminisme du monde. Sous ce rapport les Hindous et les Stoïciens étaient déjà en avant sur beaucoup de catholiques.

La restriction du nombre des cultes particuliers au profit