Le grand art, l’art sérieux est celui où se maintient et se manifeste cette unité ; l’art des « décadents « et des « déséquilibrés », dont notre époque nous fournira plus d’un exemple, est celui où cette unité disparaît au profit des jeux d’imagination et de style, du culte exclusif de la forme. Nous verrons que l’art maladif des décadents a pour caractéristique la dissolution des sentiments sociaux et le retour à l’insociabilité. L’art véritable, au contraire, sans poursuivre extérieurement un but moral et social, a en lui-même sa moralité profonde et sa profonde sociabilité, qui seule fait sa santé et sa vitalité. L’art, en un mot, c’est encore la vie, et l’art supérieur, c’est la vie supérieure ; toute œuvre d’art, comme tout organisme, porte donc en soi son germe de vie ou de mort. Loin d’être, comme le croit l’école de Spencer, un simple « jeu de nos facultés « représentatives », l’art est la prise au sérieux de nos facultés sympathiques et actives, et il ne se sert de la « représentation », encore une fois, que pour assurer l’exercice plus facile et plus intense de ces facultés qui sont le fond même de la vie individuelle et sociale.