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introduction

ments d’une constante élévation ; de là lui vient aussi ce caractère persuasif qui se confond avec celui de l’absolue sincérité. Son œuvre, toute pénétrée d’un haut désintéressement, est à la fois très personnelle et très impersonnelle : on ne sent nulle part quelqu’un qui songe à s’affirmer, mais il semble qu’on reconnaisse partout la présence d’un ami. Nous avons vu que, selon lui, nous devons sympathiser avec l’œuvre d’art comme avec les œuvres de la nature, « car la pensée humaine, comme l’individualité même d’un être, a besoin d’être aimée pour être comprise ; » jusque dans la lecture d’un simple livre soyons donc de bonne volonté : « l’affection éclaire » ; et il ajoute ces belles paroles, qu’on peut appliquer à son propre ouvrage sur l’art : « Le livre ami est comme un œil ouvert que la mort même ne ferme pas, et où se fait toujours visible, en un rayon de lumière, la pensée la plus profonde d’un être humain[1]. »


Alfred FOUILLÉE.
  1. La place qu’aura l’œuvre de Guyau dans l’histoire de l’esthétique a été déerminée avec une précision supérieure par M. E. Boirac, dans l’étude magistrale qu’il a consacrée à l’auteur de l’Art au point de vue sociologique (Revue philosophique, 1890). M. Boirac distingue trois ères principales : l’esthétique de l’idéal (Platon), l’esthétique de la perception (Kant), enfin l’esthétique fondée sur le principe de la sympathie sociale. Nous proposerions pour notre part, en poussant jusqu’au bout la même pensée, d’admettre dans la science de l’art une ère métaphysique, une ère psychologique et physiologique, enfin une ère sociologique. De plus, nous croyons que la première est essentiellement objective, la seconde, sub-