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la littérature des décadents.

coulcui’ et pas seulement une simple nuance, le caractère général du morceau. La « cliansou grise « n’existe que dans la tète de Tauditcur pou ou point musicien, non dans la musique des grands maîtres. N’importe ; après avoir fait de la peinture et de la sculpture en vers, on veut aujourd’hui faire de la musique en vers, en assemblant des phrases inintelligibles et, par cela même, dit-on, symboliques, — c’est-à-dire expressives de tout parce qu’elles ne sont expressives de rien :


Ah ! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbe d’auges défunts,
       Tons et parfums,

A sur d’almes cadences
En ses correspondances
Induit mon cœur subtil,
       Ainsi soit-il ! [1].


Les classiques, avec leurs genres bien étiquetés et à jamais séparés l’un de l’autre, avaient certainement introduit dans la littérature des classifications artificielles ; mais de là à confondre tout, il y a loin. C’est une des formes de l’insociabilité intellectuelle que l’obscurité voulue, l’inintelligibilité systématique, et les symbolistes y visent :


En ta dentelle où n’est notoire
Mon doux évanouissement,
Taisons pour l’âtre sans histoire
Tel vœu de lèvres résumant.

Toute ombre hors d’un territoire
Se teinte itérativement
À la lueur exhalatoire
Des pétales de remuement.


C’est là ce qu’ils appellent de la musique en vers, des « romances sans paroles », comme dit Verlaine ; traduisez : des paroles sans pensées. Quant à la musique de ces vers, qui peut la saisir, et en quoi diffère-t-elle des plus banales harmonies de Lamartine ? En prose, même obscurité voulue, avec un mélange de mots français, latins, grecs, et de

  1. Verlaine.