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le rythme.

Noble et pur, un grand lys se meurt dans une coupe[1].
Mais le damné répond toujours : « Je ne veux pas[2] ! »
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain[3] !
Pourquoi vivre à demi quand le néant vaut mieux[4] ?
L’ivresse des couleurs et la paix des contours[5] !

Jamais on ne fit plus bel éloge de la rime, et plus poétique, que celui de Sainte-Beuve :


Rime, qui donnes leurs sons
         Aux chansons,
Rime, l’unique harmonie
Du vers, qui, sans tes accents
         Frémissants,
Serait muet au génie ;
Rime, écho qui prends la voix
         Du hautbois
Ou l’éclat de la trompette,
Dernier adieu d’un ami
         Qu’à demi
L’autre ami de loin répète ;
..........
Ou plutôt, fée au léger
         Voltiger,
Habile, agile courrière
Qui mènes le char des vers
         Dans les airs,
Par deux sillons de lumière !

Mais, au moment même où Sainte-Beuve veut prouver que l’unique harmonie du vers, c’est la rime, ne prouve-t-il pas aussi la puissance du rythme ? La strophe, emprtmtée à Ronsard et à sa pléiade, fait succéder à un vers plus long un vers plus court, qui en est comme l’écho, et ce rythme ne contribue pas peu au charmant effet d’harmonie :


Dernier adieu d’un ami
         Qu’à demi
L’autre ami de loin répète.

  1. Coppée, le Lys.
  2. Baudelaire, le Rebelle.
  3. Baudelaire, Spleen et idéal.
  4. SuUy-Prudhomme, Trop tard.
  5. Sully-Prudliomme, À Théophile Gautier.