II
L’IMAGE
Un des éléments essentiels du style poétique, en vers ou en prose, c’est l’image. « Le don de la poésie, a-t-on dit, n’est autre que celui de parler par images, ainsi que la nature. » — S’il est vrai que toute bonne comparaison donne à l’esprit l’avantage de voir deux vérités à la fois, la poésie est une comparaison perpétuelle, une métaphore perpétuelle, qui n’a pas seulement pour but de nous faire voir à la fois deux vérités, mais de nous faire éprouver à la fois deux sensations, ou deux sentiments, ou un sentiment par le moyen de la sensation, ou une sensation par le moyen du sentiment. La science montre les rapports abstraits de toutes choses ; la poésie nous montre les sympathies réelles de toutes choses. Écoutez Flaubert dans Salammbô : — « Ils retirèrent leurs cuirasses ; alors parurent les marques des grands coups qu’ils avaient reçus pour Carthage; on aurait dit des inscriptions sur des colonnes. « Écoutez Hugo dans la Tristesse d’Olympio : — L’homme
… passe sans laisser même
Son ombre sur le mur.
La poésie substitue à un objet un autre objet, à un terme un autre terme plus ou moins similaire, toutes les fois que ce dernier éveille par suggestion des associations d’idées plus fraîches, plus fortes, ou simplement plus nombreuses, de manière à intéresser non seulement la sensation, mais encore l’intelligence, le sentiment, la moralité. Aussi la poésie peut-elle très bien se servir de termes de comparaison non pas concrets, mais abstraits. La métaphore, au heu de doter les objets d’une forme plus brillante, leur enlève alors, au contraire, quelque chose de leur forme pour leur donner le caractère profond du pur sentiment. Les exemples les plus