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l’art au point de vue sociologique.

eu qu’à écrire les Blasphèmes, qui, d’ailleurs, rappellent par beaucoup de traits le style de Louis Veuillot. Au lieu de scandaliser, le livre fût du même coup devenu édifiant ; il n’eût pas été pour cela plus démonstratif qu’il ne l’est. Il importe aux philosophes de ne pas laisser certains littérateurs duperie public en lui faisant croire que la science actuelle, ou même que la philosophie naturahste à laquelle elle semble tendre,

    De ta grandeur, de ta majesté, de ta gloire,
    Déesse dont les yeux étaient des firmaments,
    Quand tu ne seras plus qu’un paquet d’excréments.

    Le nouveau capitaine Fracasse provoque également en duel la Raison, la Salure et le Progrès :


    Et d’abord, toi, Raison, à nous deux ! Viens çà. Laisse
             Tes airs superbes, s’il te plaît.
    Tu ne m’imposes point, impudente drôlesse
             Dont l’homme se croit le valet.

    Donc, à nous deux. Raison, je ne suis plus ta dupe,
             Et jusqu’au dernier oripeau
    Je vais te dévêtir de ta royale jupe
             Pour te fouailler à pleine peau.

    Quand il apostrophe l’Idée, il la traite de « catin » :


    Et pourtant, ces catins immondes, les Idées,
    On les engrosse pour engendrer le Savoir.
    Femmes à falbalas, servantes de lavoir,
    Malgré leurs pis tombants, leurs paupières bridées.

    Leurs peaux, par la sueur ou le fard oxydées.
    Même galeuses, et crachant sur un bavoir.
    Qu’importe ? Chacun veut à son tour les avoir,
    Os salopes que tout le monde a possédées.
    .................

    Et la rodomontade finale du livre :


    Eh bien ! écoute, ô Christ des prochains Evangiles
    Le blasphème qui va, de mes lèvres fragiles,
    Jaillir pnur me survivre impérisaablement,
    Suffit à m’assurer de ton cruciûment.
    .................
    Car j’ai forgé les clous, emmanché le marteau.
    En haut du bois infjlme accroché l’écrileau ;
    Car j’ai fourbi le fer de lance qui te navre ;
    Car j’ai dressé la croix où pendra ton cadavre ;
    Car c’est pour t’y clouer que je t’ouvre mes bras !
    Et maintenant tu peux venir, toi qui viendras.
                  (Au Christ futur, les Blasphèmes.)

    M. Richepin a trop oublié ce qu’il avait écrit lui-même :


    Assez ! assez ! La blague a perdu son tranchant
    A force de frapper le nez des dieux fossiles.
    L’arme est comme le nez : tous deux vont s^ébréchanl.
    Laissons celte arme vaine au poing des imbéciles.
                 (Les Blasphèmes, p. 81.)

    L’habile versificateur caractérise ici parfaitement son propre genre : au lieu de Blasphèmes, n’aurait-il pu aussi bien prendre pour titre : Blagues en vers ?