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introduction

ce défaut de n’être point vivant, en relation et en société avec nous. La vie telle que nous la connaissons, en solidarité avec toutes les autres vies, en rapport direct ou indirect avec des maux sans nombre, exclut absolument le parfait et l’absolu. L’art moderne doit être fondé sur la notion de l’imparfait, comme la métaphysique moderne sur celle du relatif. » Le progrès de l’art se mesure en partie, selon Guyau, à l’intérêt sympathique qu’il porte aux côtés misérables de la vie, à tous les êtres infimes, aux petitesses et aux difformités : « C’est une extension de la sociabilité esthétique. » Sous ce rapport, l’art suit nécessairement le développement de la science, « pour laquelle il n’y a rien de petit, de négligeable, et qui étend sur toute la nature l’immense nivellement de ses lois ». Les premiers poèmes et les premiers romans ont conté les aventures des dieux ou des rois ; dans ce temps-là, le héros marquant de tout drame devait nécessairement avoir la tête de plus que les autres hommes. « Aujourd’hui, nous comprenons qu’il y a une autre manière d’être grand : c’est d’être profondément quelqu’un, n’importe qui, l’être le plus humble. C’est donc surtout par des raisons morales et sociales que doit s’expliquer, — et aussi se régler, — l’introduction du laid dans l’œuvre d’art réaliste. »

L’art réaliste a pour conséquence d’étendre pro-