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l’art au point de vue sociologique.

Les types éternels des formes éphémères.
Qu’avait dans l’absolu vus resplendir Platon,
Sont-ils réels ? Un genre, est-ce un être, est-ce un nom ?
Les genres ne sont-ils que d’antiques chimères ?
Ou le monde sans eux n’est-il qu’un vain chaos ?
Ces débats ont de longs et sonores échos !


La poésie philosophique et scientifique, pour avoir l’influence morale et sociale qui lui appartient de droit, et qu’un Victor Hugo eût pu lui donner, doit être aussi vivante, aussi voyante et sentante que la poésie religieuse. Même dans le Zénith, à côté de choses admirables il y a encore trop de choses mises en vers, quoique en très beaux vers :


Nous savons que le mur de la prison recule ;
Que le pied peut franchir les colonnes d’Hercule,
Mais qu’en les franchissant il y revient bientôt :
Que la mer s’arrondit sous la course des voiles ;
Qu’en trouant les enfers on revoit les étoiles ;
Qu’en l’univers tout tombe, et qu’ainsi rien n’est haut.

Nous savons que la terre est sans piliers ni dôme.
Que l’infini l’égale au plus chétif atome ;
Que l’espace est un vide ouvert de tous côtés.
Abîme où l’on surgit sans voir par où l’on entre,
Dont nous fuit la limite et dont nous suit le centre,
Habitacle de tout, sans laideurs ni beautés .....
.................
Ils montent, épiant l’échelle où se mesure
L’audace du voyage au déclin du mercure
.................
Mais la terre sutïit à soutenir la base
D’un triangle où l’algèbre a dépassé l’extase


Voici maintenant la vraie inspiration poétique et philosophique tout ensemble :


Car de sa vie à tous léguer l’œuvre et l’exemple,
C’est la revivre en eux plus profonde et plus ample.
C’est durer dans l’espèce en tout temps, en tout lieu.
C’est finir d’exister dans l’air où l’heure sonne,
Sous le fantôme étroit qui borne la personne.
Mais pour commencer d’être à la façon d’un dieu !

L’éternité du sage est dans les lois qu’il trouve.
Le délice éternel que le poète éprouve.
C’est un soir de durée au cœur des amoureux !…


Ces vers rappellent les vers-formules qui abondent dans