visible, un monde invisible et meilleur ; et non seulement elle nous le fait concevoir, mais elle le fait germer en nous et éclore. L’idéal rend « les esprits fermes », parce qu’il leur montre un but et leur donne une loi ; il rend « les cœurs grands » parce qu’il leur communique la force de l’espérance. Nous doutons qu’une définition métaphysique valût cette condensation poétique d’idées et de sentiments ? De ce monde où l’on souffre le poète relève nos yeux vers le ciel, et il nous y montre la Foi, ceinte d’un cercle d’étoiles. Puis, c’est le Droit, défini philosophiquement en trois mots : « bien de tous ; » enfin la dernière divinité, celle qui se voile, celle qui est si loin de régner parmi les hommes, surtout à l’époque où le poète écrivait ses Contemplations, — c’est la Liberté. Mais en vain l’étoile se dérobe derrière le nuage, le poète ira vers elle :
Vous avez beau, sans fin, sans borne,
Lueurs de Dieu,
Habiter la profondeur morne
Du gouffre bleu,
Âme à l’abîme habituée
Dès le berceau.
Je n’ai pas peur de la nuée,
Je suis oiseau.
Je suis oiseau comme cet être
Qu’Amos rêvait.
Que saint Marc voyait apparaître
À son chevet,
Qui mêlait sur sa tête fière
Dans les rayons,
L’aile de l’aigle à la crinière
Des grands lions.
Cet oiseau symbolique ne désigne plus seulement la pensée individuelle du poète ; il représente la pensée humaine, ou plutôt l’esprit, qui fait de tout homme un voyant capable de deviner l’énigme et de dire : la vraie loi, la vraie clarté du monde, c’est la justice.
Les lois de nos destins sur terre.
Dieu les écrit ;
Et si ces lois sont le mystère,
Je suis l’esprit.