On sait que l’ombre pour Hugo, c’est toujours la matière, sphère du mal, devant laquelle la pensée de l’homme se fait « sombre » elle-même. Mais la pensée a des ailes, des ailes « au vol profond », et elle s’élancera à la conquête du ciel. Toutes les Vérités, comme autant de constellations du firmament moral, vont lui apparaître l’une après l’autre ; toutes les divinités de l’âme vont surgir, chacune avec son « attribut », et les ailes du poète nous transportent dans cet Olympe nouveau.
Que le mal détruise ou bâtisse.
Rampe ou soit roi,
Tu sais bien que j’irai, Justice,
J’irai vers toi !
Beauté sainte, Idéal qui germes
Chez les souffrants,
Toi par qui les esprits sont fermes,
Et les cœurs grands,
Vous le savez, vous que j’adore,
Amour, Raison,
Qui vous levez comme l’aurore
Sur l’horizon,
Foi ceinte d’un cercle d’étoiles.
Droit, bien de tous.
J’irai, Liberté qui te voiles,
J’irai vers vous.
Un critique distingué[1] a dit au sujet de ces strophes : « Voilà qui est bien, mais il faudrait définir un peu tout cela d’une indication rapide au moins, parce que ce sont choses qui ne vont point de soi ensemble, et que les hommes ont opposé quelquefois la raison à la foi, le droit à l’idéal, la beauté à la raison et la justice à l’amour. » Ainsi vous demandez au poète des définitions philosophiques, une dissertation en vers, et vous ne voyez pas que Victor Hugo a réellement défini comme il le devait, « d’une indication rapide », chacune des vérités du monde moral : — la beauté est sainte, parce qu’elle est, comme il l’a dit ailleurs, la « forme que Dieu donne à l’absolu » ; l’idéal qui germe chez les souffrants, parce que c’est la douleur même qui nous fait concevoir et entrevoir à travers nos larmes, par delà ce monde
- ↑ M. Faguet.