Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
l’art au point de vue sociologique.

Cette pâle et faible étincelle
       Qui vit en toi,
Elle marche, elle est immortelle
       Et suit sa loi.

Pour la transmettre, il faut soi-même
       La recevoir,
Et l’on songe à tout ce qu’on aime
       Sans le savoir[1].


L’Espoir en Dieu résume toute la philosophie du poète. Malgré quelques défaillances et quelques mauvaises tirades sur les philosophes et sur Kant, la pièce est d’une inspiration élevée :


Qu’est-ce donc que ce monde, et qu’y venons-nous faire,

Croyez-moi, la prière est un cri d’espérance !
.................


Et cette prière de Musset est autrement profonde et « moderne » que les oraisons placides de Lamartine :


Ô toi que nul n’a pu connaître.
Et n’a renié sans mentir,
Réponds-moi, toi qui m’as fait naître,
Et demain me feras mourir !

De quelque façon qu’on t’appelle,
Bramah, Jupiter ou Jésus,
Vérité, justice éternelle.
Vers toi tous les bras sont tendus.
.............
.............
Ta pitié dut être profonde,
Lorsqu’avec ses biens et ses maux.
Cet admirable et pauvre monde
Sortit en pleurant du chaos !

Puisque tu voulais le soumettre
Aux douleurs dont il est rempli,
Tu n’aurais pas dû lui permettre
De t’entrevoir dans l’infini.

Si ta chétive créature
Est indigne de t’approcher,
Il fallait laisser la nature
T’envelopper et te cacher.
.............
.............

  1. La Mie Prigioni, pp. 204, 205, 206.