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introduction

l’examen de l’œuvre même, non de l’écrivain et du milieu. De plus, la qualité dominante du vrai critique, c’est cette même puissance de sympathie et de sociabilité qui, poussée plus loin encore et servie par des facultés créatrices, constituerait le génie. Pour bien comprendre un artiste, dit Guyau, il faut se mettre « en rapport » avec lui, selon le langage de l’hypnotisme ; et, pour bien saisir les qualités de l’œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, « de manière à ce qu’elle acquière à nos yeux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre. » C’est là ce que Guyau appelle la vue intérieure de l’œuvre d’art, dont beaucoup d’observateurs superficiels demeurent incapables. Il y a souvent, dit-il, chez les esprits trop critiques, un certain fond « d’insociabilité » qui fait que nous devons nous défier de leurs jugements comme ils devraient s’en défier eux-mêmes. Le « public », n’ayant pas de personnalité qui résiste à l’artiste, entre plus facilement en société avec lui, et son jugement est souvent meilleur, par cela même, que celui des critiques de profession.


IV. — L’art, ayant pour but d’établir un lien de société sensible et de sympathie entre des êtres