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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

Dieu, selon Jocelyn, est supérieur h la pensée humaine comme il est supérieur à la nature.


Le regard de la chair ne peut pas voir l’esprit !
Le cercle sans limile, en (jui tout est inscrit,
Ne se concentre pas dans l’étroite prunelle.
Quelle heure contiendrait la dui’ée éternelle ?
Nul œil de l’inlini u’a touché les deux bords :
Élargissez les cieux, ie suis encor dehors.
.................
Je franchis chaque temps, je dopasse tout lieu ;
Hommes, l’infini, seul est la forme de Dieu.


D’après Larmartine comme d’après les Alexandrins, la vie universelle est un effort de tous les êtres pour revenir au premier principe, qu’ails sentent tous sans le voir.


Trouvez Dieu ! son idée est la raison de l’être,
L’œuvre de l’univers n’est que de la connaître.
Vers celui dont le monde est l’émanation,
Tout ce qu’il a créé n’est qu’aspiration.
L’éternel mouvement qui régit la nature
N’est rien que cet élan de toute créature
Pour conformer sa marche à l’éternel dessein,
Et s’abîmer toujours plus avant dans son sein.


Les idées de Rousseau sur la religion naturelle viennent s’ajouter aux inspirations chrétiennes et platoniciennes :


La raison est le culte et l’autel est le monde.


Avec Lamartine, les découvertes de la science commencent à pénétrer dans la poésie et y trouvent leur expression, non sans quelque effort.


… Pourtant chaque atome est un être,
Chaque globule d’air est un monde habité ;
Chaque monde y régit d’autres mondes, peut-être.
Pour qui l’éclair qui passe est une éternité !
Dans leur lueur de temps, dans leur goutte d’espace,

Ils ont leurs jours, leurs nuits, leur destin et leur place,
La vie et la pensée y circulent à flot ;
Et, pendant que notre œil se perd dans ces extases,
Des milliers d’univers ont accompli leurs phases
          Entre la pensée et le mot.