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introduction

par le don de sa seule vie personnelle une vie autre et originale, tel est le problème que doit résoudre tout créateur[1]. » La caractéristique du génie est donc, pour Guyau, « une sorte de vision intérieure des formes possibles de la vie », vision qui fera reculer au rang d’accident la vie réelle. Au fond, l’œuvre de l’artiste sera la même que celle du savant ou encore de l’historien : « découvrir les faits significatifs, expressifs d’une loi ; ceux qui, dans la masse confuse des phénomènes, constituent des points de repère et peuvent être reliés par une ligne, former un dessin, une figure, un système. » Le grand artiste est évocateur de la vie sous toutes ses formes, évocateur « des objets d’affection, des sujets vivants avec lesquels nous pouvons entrer en société[2]. »

Le génie et son milieu social, dont les rapports ont tant préoccupé les esthéticiens contemporains et surtout M. Taine, nous donnent, selon Guyau, le spectacle de trois sociétés liées par une relation de dépendance mutuelle : 1o la société réelle préexistante, qui conditionne et en partie suscite le génie ; 2o la société idéalement modifiée que conçoit le génie même, le monde de volontés, de passions, d’intelligences qu’il crée dans son esprit et qui est une spéculation sur le possible ; 3o la

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