On connaît le vers de Musset :
Malgré nous, vers le ciel il faut lever les yeux ;
ce pourrait être la formule de l’esthétique idéaliste. M. Zola
nous en donne une toute contraire : un des héros dans lesquels
il se personnifie cause littérature un jour d’été dans la campagne,
accoudé sur l’herbe. « Il retomba sur le dos, il élargit
les bras dans l’herbe, parut vouloir entrer dans la terre »,
riant, plaisantant d’abord, pour finir par ce cri de conviction
ardente : « Ah ! bonne terre, prends-moi, toi qui es la mère
commune, l’unique source de la vie ! toi l’éternelle, l’immortelle,
où circule l’âme du monde, cette sève épandue jusque
dans les pierres, et qui fait des arbres nos grands frères
immobiles !… Oui, je veux me perdre en toi, c’est toi que je
sens là, sous mes membres, m’étreignant et m’enflammant ;
c’est toi seule qui seras dans mon œuvre comme la force
première, le moyen et le but, l’arche immense, où toutes les
choses s’animent du souffle de tous les êtres !… Est-ce bête,
une âme à chacun de nous, quand il y a cette grande âme !… »
— Rentrer dans la terre tandis que d’autres rêvent de monter
au ciel, voilà bien les deux conceptions opposées de l’art et de
la vie ; mais cette opposition est aussi conventionnelle que
celle du nadir et du zénith, placés tous deux sur le prolongement
de la même ligne. Qui creuse la terre assez avant finit
par retrouver le ciel. Les naturalistes modernes veulent, comme
le grand naturaliste antique Lucrèce, n’adorer que la déesse
de la fécondité terrestre, mêler dans un même culte les images
symboliques de Vénus et de Cybèle ; mais Cybèle, pour
ses primitifs adorateurs, était inséparable d’Uranus ; nous
aussi nous devons nous souvenir que l’antique déesse est enveloppée
et fécondée par le Ciel, perdue en lui, et que la Terre
a besoin, pour sa marche en avant, d’être emportée sur les
ondes du subtil éther, soulevée dans tous les invisibles mouvements
de ce dieu à la fois si proche et si lointain.
« Je n’aspire, disait à son tour George Elliot, qu’à représenter fidèlement les hommes et les choses qui se sont reflétés dans mon esprit, je me crois tenue de vous montrer ce reflet tel qu’il est en moi avec autant de sincérité que si j’étais sur le banc des témoins, faisant ma déposition sous serment. » — Oui, sans doute, l’artiste est un témoin de la nature, et la