CHAPITRE TROISIÈME
La vraie critique est celle de l’œuvre même, non de l’écrivain et du milieu. — Qualité dominante du vrai critique : la sympathie et la sociabilité. — De l’antipathie causée à certains critiques par certaines œuvres. — La vraie critique est-elle celle des beautés ou celle des défauts. — Du pouvoir d’admirer ou d’aimer. — Difficulté de découvrir et de comprendre les beautés d’une œuvre d’art ; difficulté de les faire sentir aux autres ; rôle du critique.
L’analyse que nous avons faite des rapports entre le génie et le milieu nous permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. De nos jours, nous l’avons vu, la critique de l’œuvre est devenue par degrés l’histoire et l’étude de l’écrivain. On se rend compte de la formation de son individualité, on fait sa psychologie, on écrit le roman du romancier. « Lorsque M. Taine étudie Balzac, a-t-on dit, il fait exactement ce que Balzac fait lui-même lorsqu’il étudie, par exemple, le père Grandet. Le critique opère sur un écrivain pour connaître ses ouvrages comme le romancier opère sur un personnage pour connaître ses actes. Des deux côtés, c’est la même préoccupation du milieu et des circonstances. Rappelez-vous Balzac déterminant exactement la rue et la maison où vit Grandet, analysant les créatures qui l’entourent, établissant les mille petits faits qui ont décidé du caractère et des habitudes de son avare. N’est-ce pas là une application absolue de la théorie du milieu et des circonstances[1] ? » Tout cela est fort bien, mais tout cela ne constitue que l’ensemble des matériaux de la critique, et non la critique même. L’œuvre, on ne la considère alors que comme le produit plus ou moins passif de ces deux
- ↑ M. Zola.