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CRITIQUE DE L’IDÉE DE SANCTION.


I. — Dans la théorie classique du mérite : « J’ai démérité, » qui exprimait d’abord simplement la valeur intrinsèque du vouloir, prend le sens suivant : « J’ai mérité un châtiment, » et exprime désormais un rapport du dedans au dehors. Ce passage brusque du moral au sensible, des parties profondes de notre être aux parties superficielles, nous parait injustifiable. Il l’est plus encore dans l’hypothèse du libre arbitre que dans les autres. D’après cette hypothèse, en effet, les diverses facultés de l’homme ne sont pas vraiment liées et déterminées les unes par les autres : la volonté n’est pas le pur produit de l’intelligence, sortie elle-même de la sensibilité; la sensibilité n’est donc plus le vrai centre de l’être, et il devient difficile de comprendre comment elle peut répondre pour la volonté. Si celle-ci a librement voulu le mal, ce n’est pas la faute de la sensibilité, qui n’a joué que le rôle de mobile et non de cause. Ajoutez le mal sensible du châtiment au mal moral de la faute, sous prétexte d’expiation, vous aurez doublé la somme des maux sans rien réparer : vous ressemblerez à un médecin de Molière qui, appelé pour guérir un bras malade, couperait l’autre à son patient. Sans les raisons de défense sociale (dont nous nous occuperons plus tard), le châtiment serait aussi blâmable que le crime, et la prison ne vaudrait pas mieux que ceux qui y habitent ; disons plus : les législateurs et les juges, en frappant les coupables de propos délibéré, se feraient leurs égaux. Si l’on fait abstraction de l’utilité sociale, quelle différence y aura-t-il entre le meurtre commis par l’assassin et le meurtre commis par le bourreau ? Le dernier crime n’a même pas pour circonstance atténuante quelque raison d’intérêt personnel ou de vengeance ; le meurtre légal devient plus complètement absurde que le meurtre illégal. Le bourreau imite