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PRÉFACE DE L’AUTEUR


Un penseur ingénieux a dit que le but de l’éducation était de donner à l’homme le « préjugé du bien[1] ». Cette parole fait ressortir quel est le fondement de la morale ordinaire. Pour le philosophe, au contraire, il ne doit pas y avoir dans la conduite un seul élément dont la pensée ne cherche à se rendre compte, une obligation qui ne s’explique pas, un devoir qui ne donne pas ses raisons.

Nous nous proposons donc de rechercher ce que serait et jusqu’où pourrait aller une morale où aucun « préjugé » n’aurait aucune part, où tout serait raisonné et apprécié à sa vraie valeur, soit en fait de certitudes, soit en fait d’opinions et d’hypothèses simplement probables. Si la plupart des philosophes, même ceux des écoles utilitaire, évolutionniste et positiviste, n’ont pas pleinement réussi dans leur tâche, c’est qu’ils ont voulu donner leur morale rationnelle comme à peu près adéquate à la morale ordinaire, comme ayant même étendue, comme étant presque aussi « impérative » dans ses préceptes. Cela n’est pas

  1. Vinet.