directe de la sensibilité, sont des moteurs de l’activité et de la vie.
Ici s’applique de nouveau l’importante théorie qu’un philosophe contemporain a proposée sur les idées-forces[1]. L’intelligence et l’activité n’apparaissent plus comme séparées par un abîme. Comprendre, c’est déjà commencer en soi-même la réalisation de ce qu’on comprend ; concevoir quelque chose de mieux que ce qui est, c’est un premier travail pour réaliser cette chose. L’action n’est que le prolongement de l’idée. La pensée est presque une parole ; nous sommes portés avec tant de force à exprimer ce que nous pensons que l’enfant et le vieillard, moins capables de résister à cette contrainte, pensent tout haut : le cerveau fait naturellement mouvoir les lèvres. C’est de la même façon qu’il fera agir, qu’il fera mouvoir les bras et le corps tout entier, qu’il dirigera la vie. Il n’y a pas deux choses : conception du but, effort pour y parvenir. La conception même, répétons-le, est un premier effort : on pense, on sent, et l’action suit. Nul besoin, dès lors, d’invoquer l’intermédiaire d’un plaisir extérieur, nul besoin de moyen terme ni de pont pour passer de l’une à l’autre de ces deux choses : pensée, action. Elles sont au fond identiques.
Ce qu’on appelle obligation ou contrainte morale est, dans la sphère de l’intelligence, le sentiment de cette radicale identité : l’obligation est une expansion intérieure, un besoin de parfaire nos idées en les faisant passer dans l’action. Celui qui n’agit pas comme il pense, pense incomplètement. Aussi sent-il qu’il lui manque quelque chose : il n’est pas entier, il n’est pas lui-même. L’immoralité est une mutilation intérieure. Chacun des mouvements de
- ↑ Voir M. Alfred Fouillée, la Liberté et le Déterminisme, 2e édition, et la Critique des systèmes de morale contemporains.