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L’ÉDUCATION MORALE.

Il résulte des considérations précédentes que l’éducation doit avant tout établir entre les idées une classification, une hiérarchie donnant le premier rang aux idées les plus universelles, les plus typiques, plaçant sans cesse sous les yeux de l’enfant, comme un modèle, l’idéal de l’espèce et de l’homme normal. Toutefois, nous avons vu qu’il faut proportionner l’idéal à l’âge de l’enfant : l’individu, au point du vue moral comme au point de vue physique, repasse par les divers stades de l’évolution ; il ne faut donc pas arriver tout d’un coup au degré de civilisation mûre. Il y a même un danger, selon Spencer, à l’excès de précocité morale comme à l’excès de précocité intellectuelle. Vouloir trop exiger de l’enfant, c’est s’exposer à épuiser prématurément sa volonté comme son intelligence. « Il n’est pas admissible qu’un enfant soit tout de suite un sage ». Les parents doivent être d’autant plus portés à l’indulgence pour les défauts des enfants, que ces défauts sont ordinairement attribuables par hérédité aux parents eux-mêmes, quand ils ne sont pas attribuables à leur maladresse d’éducateurs.


3o Nous avons jusqu’à présent considéré la formation de l’obligation morale comme le résultat de l’évolution individuelle. Nous croyons que, dans la genèse de l’obligation morale, c’est une bonne méthode de considérer d’abord par abstraction, comme nous l’avons fait, révolution de la conscience chez l’individu, c’est-à-dire dans une société restreinte et plus ou moins fermée, car, encore une fois, l’individu lui-même, pour la science moderne, se résout dans une société. Nous évitons ainsi une exagération dans laquelle on est tombé fréquemment : c’est d’absorber la conscience individuelle dans la conscience sociale, de ramener exclusivement les penchants moraux aux penchants sociaux, de croire que la collection a réussi à faire éclore des sentiments et des idées qui n’étaient pas déjà en germe chez l’individu. La sélection, qui est, suivant Darwin, la loi dominante des groupements sociaux, n’est autre chose, en somme, que le développement et le triomphe de quelque capacité interne

    morale est, dans la sphère de l’intelligence, le sentiment de cette radicale identité : l’obligation est une expansion intérieure, un besoin de parfaire nos idées en les faisant passer dans l’action. La moralité est l’unité de l’être.