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POUVOIR DE LA CONSCIENCE.

dans lequel tomberaient les sujets hypnotisés lorsque arrive pour eux l’heure d’accomplir une suggestion. Deux causes peuvent expliquer cette angoisse. La première, c’est la recherche même de l’objet suggéré ; ils savent qu’ils ont quelque chose à faire, mais quoi ? Il leur faut faire effort pour tirer du fond de l’inconscient la formule de l’obligation qu’ils sentent en eux. La seconde cause, c’est que, même alors que l’obligation est nettement formulée, ils se trouvent en présence d’une action qui ne leur est pas habituelle ou qui contrarie les idées établies, qui présente enfin quelque chose de singulier ; et les suggestions ont toujours ce caractère, puisque c’est à leur bizarrerie même que rexpérimentateur reconnaît sa puissance.

De ce qui précède, nous pouvons conclure que toute formule d’action obsédante, conséquemment occupant à elle seule la conscience, tend à devenir, sous ce rapport, une formule d’action obligatoire ; toute obsession cherche à s’achever dans la conscience en obligation ; le mécanisme brut des impulsions tend à s’organiser en un ordre mental et, jusqu’à un certain point, moral.


II. — POUVOIR DE LA CONSCIENCE ET DES IDÉES-FORCES, L’AGENT MORAL.


La force de l’idée explique à la fois les deux termes du problème moral : la volonté et l’objet du vouloir. La volonté est essentiellement la puissance de se représenter à la fois avant l’action tous les motifs contraires d’agir ou de ne pas agir, en puisant dans cette complexité de motifs non l’irrésolution, mais la résolution parfaitement consciente d’elle-même : la force impulsive des motifs apparaît alors comme proportionnelle à leur rationalité, et la volonté est ainsi le germe de la moralité même. Chez l’être bien organisé il se crée, suivant une expression heureuse de M. Ribot, une série d’états de conscience correctifs, à caractère déprimant, qui s’associent d’une manière indissoluble à l’état de conscience dont les conséquences seraient nuisibles : c’est ainsi qu’au désir de toucher, éveillé chez l’enfant par l’éclat de la flamme, s’associe par l’habitude la peur de la brûlure, état dépressif qui vient annihiler l’impulsion du désir. Les moines boud-