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L’ÉDUCATION MORALE.

Le but essentiel de l’éducation, avons-nous dit, est de créer, soit par la suggestion directe, soit par l’action répétée, une série d’habitudes, c’est-à-dire d’impulsions réflexes durables, capables de fortifier les autres impulsions d’origine héréditaire, ou au contraire de se substituer à elles et de les enrayer. Le remède le plus sûr à la tentation des instincts, c’est donc encore, comme tous les éducateurs l’ont plus ou moins senti, la suggestion du précepte et de l’exemple, de l’idée et de l’acte. Les enfants aiment la fermeté, même quand elle s’exerce à leur égard. Une volonté énergique employée pour le bien et le juste s’impose à eux ; de même qu’ils admirent la force physique, de même ils admirent la force morale, qui est la volonté : c’est un instinct héréditaire et salutaire à la race. Or, comme un enfant se modèle toujours sur les personnes qui l’entourent et imite surtout ce qui le frappe le plus en elles, avoir de la volonté, c’est faire que l’enfant en ait ; lui donner l’exemple de la fermeté dans la justice et dans la vérité, c’est le rendre ferme et juste à son tour. Mais l’éducateur doit procéder tout autrement que le dresseur, qui cherche tout d’abord à susciter chez l’animal le penchant à l’obéissance mécanique. Le but n’est pas de briser la volonté de l’enfant ; c’est seulement d’empocher la lutte contre la volonté paternelle, c’est-à-dire de diriger la volonté en la fortifiant. Quelle est donc la véritable autorité et la manière dont elle doit s’exercer ? L’autorité se compose de trois éléments : 1o L’affection et le respect moral ; 2o l’habitude de la soumission, habitude née de l’exercice même ; 3o la crainte. Chacun de ces trois éléments entre dans le sentiment d’autorité, mais doit être subordonné à celui d’affection. L’affectuosité rend inutile l’autorité dure, le châtiment. L’enfant aimant obéit pour « ne pas faire de peine à ses parents. » Celui qui a besoin de châtiment est un enfant qui manque d’affection ; aimez-le assez, et vous n’aurez plus besoin de le frapper, car l’amour produit toujours un retour d’amour, qui est le ressort le plus puissant dans toute éducation. L’affection doit d’ailleurs être pour l’enfant une récompense, qu’il doit mériter par sa conduite. « Sois bon, et tu seras aimé. » Et il faut qu’il en vienne à attacher un tel prix à cette récompense que toutes les autres ne soient rien auprès d’elle. Avec le raisonnement, l’enfant doit en arriver à rejeter d’abord la crainte, puis à obéir non pas parce qu’il en a l’habitude, mais parce qu’il aime