Page:Guyau - Éducation et Hérédité.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II


C’est pourquoi, selon Épictète, la vertu seule peut fonder la religion, et elle la fonde tout naturellement : la sagesse est essentiellement piété. « Quiconque observe de ne désirer et de n’éviter que ce qu’il convient, observe par là même la piété[1] » «L’homme qui s’applique à la sagesse s’applique à la science de Dieu[2]. » Alors, en effet, il conçoit Dieu comme un ami qui ne veut que son bien, qui ne lui impose la peine que pour l’exercer à la liberté : « Je suis Épictète l’esclave, le boiteux, un autre Irus en pauvreté, et cependant aimé des dieux[3]. » Comme les voyageurs, pour passer sans péril dans les routes les plus périlleuses, se mettent à la suite d’un préteur ou de quelque haut personnage, ainsi le sage, pour traverser avec une âme tranquille les dangers de la vie, se met à la suite de Dieu, et les yeux levés vers lui, marche en sûreté dans le monde. Sans cesse il a présente à l’esprit l’image de la Divinité ou au moins de quelque homme divin, comme Socrate ou Zénon : ce sont là des modèles qu’il s’efforce de reproduire. Dans les circonstances difficiles, il invoque Dieu, pour qu’il le soutienne tout comme le chrétien. C’est que la Divinité stoïcienne n’a rien de commun avec les dieux païens, jaloux des hommes, et qui regrettent le bonheur dont les hommes jouissent. Mais elle n’a pas non plus d’« élus», pas de préférés, comme le Dieu du Christianisme, les hommes montent vers les dieux, et les dieux leur

  1. Manuel, xxxi.
  2. Maxim., xviii, p. 183. — Cette dernière pensée est d’une authenticité contestée ; mais elle est toute conforme à l’esprit du Manuel et des Entretiens.
  3. Distique attribué à Épictète.