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STOÏCISME ET CHRISTIANISME.

attachés aux mêmes maximes que nous[1]. » Ailleurs Marc-Aurèle, qui a déjà comparé l’âme humaine à la flamme, la comparera encore à la lumière dont l’essence même, selon lui, est de s’étendre (ἀϰτῖνες, ἐϰτείνεσθαι). Comme le rayon de soleil dans l’obscurité, de même notre âme doit pénétrer dans l’âme d’autrui, « s’y verser, s’y épancher » ; mais si elle rencontre une intelligence qui lui soit fermée, alors elle se résignera, s’arrêtera, comme le rayon devant un corps opaque, « sans violence, sans abattement[2]. » C’est là en effet une déduction nécessaire de la doctrine stoïcienne et platonicienne : si l’amour s’adresse surtout à la raison, aimer sera avant tout enseigner, communiquer le bien et le vrai ; aimer, ce sera convertir les intelligences.

Cette sorte d’amour intellectuel se personnifie dans le philosophe idéal, dont Épictète a tracé le portrait.

Le philosophe, ce précepteur du genre humain (ὁ παιδευτὴς ὁ ϰοινός), n’a ni patrie ni famille, ni femme ni enfants : pour qu’il eut une femme, il faudrait qu’elle fût « un autre lui-même, comme la femme de Cratès était un autre Cratès. » « Sa famille est l’humanité ; les hommes sont ses fils, les femmes sont ses filles ; c’est comme tel qu’il va les trouver tous, comme tel qu’il veille sur tous… Il a été détaché vers les hommes comme un envoyé, pour leur montrer quels sont les biens et les maux… Il est l’espion de ce qui est favorable à l’humanité et de ce qui lui est contraire… Battu, il aime même ceux qui le battent, parce qu’il est le père et le frère de tous les hommes… Il est leur apôtre, leur surveillant… Il veille et peine pour l’humanité (ὑπερηγρύπνηϰεν ὑπὲρ ἀνθρώπων ϰαὶ πεπόνηϰεν)… Car les affaires de l’humanité sont ses affaires. »

Autant les stoïciens ont peu compris en son véritable sens l’amitié personnelle d’un homme pour un autre homme (ἡ φιλία), autant ils devaient comprendre et développer l’idée de l’amitié d’un homme pour tous les hommes (ἡ φίλανθρωπία). En effet, ce que le stoïcien aime dans l’individu même, c’est la raison humaine dont il participe, c’est l’humanité : l’humanité est donc le véritable objet de

  1. Pensées. IX, iii.
  2. VIII, lvii.