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LA SUGGESTION NERVEUSE ET SES EFFETS.

Les stigmates sont, comme on sait, un phénomène d’auto-suggestion. On connaît l’histoire de Louise Lateau, la stigmatisée de Belgique. La périodicité des stigmates s’explique par ce fait qu’il y a, entre certains jours de la semaine et les pensées déterminantes, une association établie.

On suggère des idées actives, des volitions, comme on suggère des sensations. Voici un hypnotisé : on peut, pendant son sommeil, lui suggérer telle ou telle idée d’acte, par exemple l’idée d’aller rendre visite à quelqu’un tel jour et à telle heure, de se tromper sur l’orthographe de son propre nom en signant une lettre, d’ouvrir un livre et d’y lire les vingt premiers mots de la page 100, de dire une prière, de prendre dans la poche de telle personne présente son mouchoir et de le jeter au feu, etc., Cette idée d’agir, inculquée pendant le sommeil hypnotique, hante l’esprit du patient à son réveil, devient une idée fixe, le poursuit le plus souvent jusqu’à ce qu’il l’ait réalisée d’une manière ou d’une autre. En la réalisant, d’ailleurs, il croit agir tout spontanément, obéir à une fantaisie personnelle, il s’attribue à lui-même la volonté d’autrui implantée en lui, et il trouve souvent des raisons presque plausibles pour justifier les actions déraisonnables qu’on lui a fait accomplir.

Outre les idées et les croyances qu’on peut suggérer ainsi à un hypnotisé, outre les volitions, les sensations et les hallucinations, on peut lui inculquer des sentiments d’admiration ou le mépris, l’antipathie ou la sympathie, des passions et émotions, comme la peur durable. Et toutes ces suggestions, d’un effet parfois si sûr, on peut les donner instantanément ; dans l’espace de 15 secondes, entre deux portes, on peut, d’un geste brusque, arrêter au passage un sujet, l’immobiliser en catalepsie, produire le somnambulisme, lui donner une suggestion d’actes, puis le réveiller. L’hypnotique saura à peine s’il a été endormi, il n’aura ressenti qu’un frisson léger et fugitif ; mais une idée nouvelle se trouve désormais inculquée en lui ; une impulsion qui, si elle ne rencontre pas d’obstacle, s’achèvera bientôt en un acte : quinze secondes ont suffi pour mettre la main sur le levier de la machine humaine. S’il en est ainsi, ne pourrait-on aller plus loin encore, créer de vrais instincts, et des instincts moraux ? Tandis que l’habitude ou l’instinct sont d’abord organiques pour se réfléchir ensuite sous la forme d’une