simplement d’ « homme occupé », d’ « homme distingué », a exigé une dépense nerveuse trop considérable. Rien de plus naïf, pour qui regarde de haut, que la peur de l’obscurité, la peur de ne pas être « quelqu’un ». Les qualités réelles d’une race ne se perdent pas pour n’être pas mises au jour immédiatement ; elles s’accumulent plutôt, et le génie ne sort guère que des tire-lires où les pauvres ont amassé jour à jour le talent sans le dépenser en folies. Ce n’est pas sans quelque raison que les Chinois décorent et anoblissent les pères au lieu des fils : les fils célèbres sont des enfants prodigues, et le capital qu’ils dépensent ne vient pas d’eux. La nature acquiert ses plus grandes richesses en dormant. Aujourd’hui, dans notre impatience, nous ne savons plus dormir : nous voulons voir les générations toujours éveillées, toujours en effort. Le seul moyen, encore une fois, de permettre cet effort sans repos, cette dépense constante, c’est de la varier sans cesse : il faut se résigner à ce que nos fils soient autres que nous, ou à ce qu’ils ne soient pas.
Le but de toute réforme sociale et pédagogique ne doit pas être de diminuer dans la société humaine l’effort, condition essentielle de tout progrès, mais au contraire d’augmenter l’effort productif par une meilleure organisation et distribution des forces, comme on augmente souvent la quantité de travail produit dans une journée en ramenant de douze à dix les heures de travail. Pour cela, la première chose à faire est de placer l’humanité et surtout les enfants dans de meilleures conditions hygiéniques, — assainissement des maisons, des lieux de travail, diminution du travail et de l’étude, etc. ; deuxièmement, il faut substituer pendant un certain temps, chez les masses, un travail intellectuel bien dirigé au travail matériel ; chez les classes aisées, on doit au contraire compenser par un minimum de travail matériel la déséquilibration qu’entraîne soit le travail exclusivement intellectuel, soit l’oisiveté. Malheureusement, de nos jours, l’augmentation de la prévoyance sociale se produit surtout dans la sphère économique ; or la prévoyance économique est souvent en opposition avec la prévoyance vraiment sociale et hygiénique. Amasser un capital d’argent, et même d’honneurs, est souvent tout le contraire d’amasser la santé et la force pour sa race. Voici un jeune homme