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L’ÉDUCATION DES FILLES ET L’HÉRÉDITÉ

secondaire il pourrait leur être fait une plus large place. Rien n’empêcherait de les employer plus qu’il n’est encore d’usage dans les bureaux de poste, de télégraphe et autres. Enfin il serait désirable que, dans l’industrie ou le commerce, elles trouvassent davantage à s’occuper. D’abord, la compétition pour les places de l’État en deviendrait moins acharnée : en outre on n’aurait pas à redouter de voir grossir chaque année le nombre de ces pauvres filles qui ont travaillé en vain, se trouvent sans ressources et deviennent des déclassées. On a souvent gémi sur le sort de la petite ouvrière dans sa mansarde. L’institutrice sans position et sans espoir est-elle moins à plaindre, et ne faudrait-il pas regretter les lois nouvelles sur l’instruction des filles si elles avaient nécessairement pour conséquence « de les arracher à la condition naturelle de leurs familles pour en faire des gouvernantes ? » L’instruction est chose excellente sans doute, quand elle nous prépare au travail que nous devons faire, mais elle ne doit pas servir à nous dégoûter des seuls devoirs qui soient à notre portée et dans notre destination. Elle ne doit pas, en multipliant le nombre des déclassés et des mécontents, devenir une cause de corruption morale et de perturbation sociale, tandis qu’elle serait, dans un état de choses bien ordonné, un moyen d’amélioration et de progrès. Si l’instruction dont on se plaint et dont on redoute les effets produit de mauvais résultats, c’est qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être. Il faudrait une instruction de telle nature que, au lieu de dégoûter de la vie réelle et d’en faire sortir, elle y aboutit et y ramenât, mieux armés et plus habiles, ceux qu’elle a la mission d’y préparer ; moins de raffinement dans les idées, moins d’érudition dans la mémoire, moins d’histoire et de théories littéraires ; plus d’idées morales et esthétiques, plus d’apprentissage de la main, plus d’énergie dans la volonté, plus de savoir-faire pratique et plus d’ingéniosité inventive.

Le Gegenwart de Berlin trouve aussi qu’en Allemagne l’éducation donnée aux filles, quoique réalisant un immense progrès, laisse encore beaucoup à désirer. « On leur enseigne trop de choses inutiles, de dates, de noms et de règles dont elles n’auront plus tard que faire, tandis qu’on néglige ce qu’il y a de véritablement important : former et développer la mère future. » On forme ce de petites