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L’ÉDUCATION DES FILLES ET L’HÉRÉDITÉ

cation et principalement dans celle de la femme, c’est de communiquer le plus de connaissances nécessaires et belles, en usant le moins de forces cérébrales chez l’enfant. La femme a dans la famille un rôle auquel elle ne peut jamais se soustraire : elle doit faire l’éducation morale et physique des enfants. C’est à cette fonction que nous devons le mieux la préparer. La pédagogie pratique, avec l’hygiène de la famille qu’elle comprend, est presque la seule science nécessaire à la femme, et c’est précisément la seule, peut-être, qui ne lui est pas transmise. Remarquons d’ailleurs que la pédagogie, étant l’art d’enseigner, implique par cela même la connaissance des matières d’enseignement ; si de plus on admet que, pour donner une juste notion des choses, il faut commencer par en avoir une connaissance approfondie, voilà la porte rouverte toute grande à l’activité et à l’extension intellectuelles de la jeune fille.

Un autre ordre de connaissances correspond à un autre rôle de la femme, non plus dans la famille, mais dans la société. La femme représente dans la psychologie humaine l’être en qui sont le plus vivaces et le plus puissants tous les sentiments de pitié, d’affection, d’ « altruisme », de dévouement ; elle devrait être la tendresse vivante, la sœur en charité de tout homme. Faire de la politique serait pour la femme une occupation bien stérile et peu pratique ; faire de la philanthropie est tout à fait dans son rôle. Or la philanthropie constitue déjà aujourd’hui une science qui touche aux parties essentielles de l’économie politique. C’est la science de toutes les institutions bienfaisantes ; c’est la science des directions dans lesquelles il faut marcher pour soulager tous les maux humains, alléger un peu la grande misère éternelle. C’est par la philanthropie que la femme devrait aborder l’économie politique.

À la mère incombe surtout la tâche de développer le cœur. La religion maternelle est la plus inoffensive et la plus utile des religions. Le respect attendri de l’enfant est une piété. Le soir, sur les genoux, petit examen de conscience (d’une minute, c’est assez) : « J’ai eu honte de mon enfant ; je veux en être fîère demain… » Après une correction, la mère doit toujours être plus peinée d’avoir sévi que l’enfant d’avoir subi le châtiment. C’est le grand art