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PRÉFACE.

de la vie et de la moralité tout ensemble, mais ne la remontent pas. Les déséquilibrés sont à jamais perdus pour l’humanité ; s’ils se perpétuent plus ou moins longtemps, c’est un malheur pour elle. La famille Yuke, ayant pour ancêtre un ivrogne, produisit en soixante-quinze ans deux cents voleurs et assassins, deux cent quatre-vingt-huit infirmes et quatre-vingt-dix prostituées. Dans l’antiquité, des familles entières étaient déclarées impures et proscrites : c’est l’antiquité, prétend-on, qui avait raison. Les malédictions bibliques s’étendaient jusqu’à la cinquième génération ; la science moderne a des malédictions du même genre et semble justifier les Juifs par cette remarque que tout caractère moral, bon ou mauvais, tend en effet à persister environ jusqu’à la cinquième génération, pour s’effacer ensuite s’il est anormal. Aussi, malheur aux faibles ; il faut les éliminer et leur appliquer sans pitié cette parole de Jésus à la Chananéenne, — du Jésus irrité et inclément — : « Il ne convient pas de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens[1]. »

En somme, entre le pouvoir attribué par certains penseurs à l’éducation et par d’autres à l’hérédité, il existe une antinomie qui domine toute la science morale et même politique, car la politique est frappée d’impuissance si les effets de l’hérédité sont sans remède. Il y a donc là un problème à double face, qui mérite un sérieux examen. Nous chercherons à

  1. Voir Féré, Sensation et mouvement ; Dr  Jacoby, la Sélection ; Dr  Déjerine, l’Hérédité dans les maladies du système nerveux ; les criminalistes italiens Lombroso, Ferri, Garofalo, etc.