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L’ÉDUCATION MORALE.

par une dépense intellectuelle exagérée, elles n’auraient pu avoir pour fils ni Bacon ni Gœthe. Si, au cours de leur propre vie, les parents dépensent trop de la force qu’ils ont puisée dans leur milieu, il en restera bien peu pour leurs enfants. Coleridge a dit le plus sérieusement du monde : « l’histoire d’un homme dans les neuf mois qui précèdent sa naissance serait probablement plus intéressante et contiendrait des événements d’une plus grande importance que tout ce qui a suivi. »

De hautes autorités estiment que plus l’éducation de la femme est raffinée, plus ses enfants sont faibles. Spencer dit, dans ses Principes de biologie, que le travail physique rend les femmes moins fécondes ; puis il ajoute que la même stérilité relative ou absolue est généralement aussi le résultat des travaux intellectuels. Si l’on considère que les filles riches sont beaucoup mieux nourries que celles des classes pauvres et qu’à tous égards leur hygiène est ordinairement meilleure, on ne peut attribuer leur infériorité au point de vue de la reproduction qu’à la dépense intellectuelle à laquelle elles sont astreintes et qui réagit très sensiblement sur le physique. Cette infériorité n’éclate pas seulement dans la fréquence plus grande de la stérilité proprement dite et dans l’abaissement de la limite d’activité reproductrice ; elle se montre aussi dans l’incapacité très générale de ces femmes à la fonction secondaire de la mère, celle qui consiste à allaiter son enfant. « La définition complète de la maternité est le pouvoir de porter à terme un enfant bien développé et de fournir à cet enfant un aliment naturel pendant la période normale. C’est une double fonction à laquelle sont généralement peu propres les filles au sein plat qui survivent à une éducation à haute pression. En admettant même qu’elles eussent la moyenne ordinaire d’enfants, elles devraient encore être considérées comme relativement infécondes. » Le docteur Hertel, médecin danois, a constaté dans les écoles supérieures de son pays que 29 % des garçons et 41 % des filles sont dans un état de santé précaire dû au travail ; l’anémie, la scrofule et les maux de tête sévissent tout spécialement. Le professeur Bystroff, à Saint-Pétersbourg, rassemble des constatations analogues.

De ces faits et d’un grand nombre d’autres du même