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L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPÉRIEUR.

son rôle est à la fois plus élevé et plus restreint ; il consiste uniquement à préparer des élèves pour les écoles spéciales chargées de former les ingénieurs et les officiers. C’est dans ces écoles spéciales, à l’École de Fontainebleau, à l’École du génie maritime, etc., pendant deux ans ; c’est aux Écoles des mines, des ponts et chaussées, etc., pendant trois ans, que se donne l’instruction technique.

Par malheur, il est certain qu’on surmène les polytechniciens avant et pendant leur séjour à l’école. S’il est bon de faire une sélection, il ne faut pas que cette sélection aboutisse à une sorte d’extermination physique. Le nombre des malades et des fous produit par le régime de l’école est notable, selon M. Lagneau. De plus, le concours fait une place au hasard comme à la capacité. Une fois entrés à l’école, les élèves conservent rarement leur rang d’examen ; ce sont des bouleversements presque complets. Les exigences du programme augmentent sans cesse, et aujourd’hui elles sont telles qu’il faut s’épuiser pour passer un examen convenable. Ce n’est pas, disent MM. Cournot et Simon, que l’École elle-même ait besoin de toutes ces connaissances ; mais l’examinateur, ne sachant plus comment choisir, augmente la part du hasard pour diminuer d’autant la sienne. S’il n’y a que vingt questions, tout le monde les étudiera ; s’il y en a deux cents, le meilleur élève en possédera cent cinquante. Assurément, c’est un malheur pour lui de tomber sur ce qu’il ne sait pas ; mais la conscience du juge est à couvert. On en vient peu à peu à chercher les questions les plus captieuses, qui sont loin d’être les plus importantes.

Le premier malheur qui en résulte, c’est l’invention d’un « art de préparer aux examens », qui se substitue à « l’art d’enseigner la science ». Pendant que l’examinateur torture son candidat et lui propose des énigmes en guise de questions, il est lui-même examiné, étudié, percé à jour par les préparateurs qui composent l’auditoire. On a bien vite découvert ses ruses et noté ses formules, deviné ses fantaisies. Si on avait toujours le même examinateur, on le battrait à coup sûr. Ce n’est plus la science qu’on apprend, c’est la façon de répondre à telle personne. On va donc à l’établissement qui fait recevoir beaucoup d’élèves. On commence l’étude du programme de bonne